La présentation qui va suivre est le fruit de l’excellent travail de Sébastien Dujardin,
enfant de Menil-Favay, que nous remercions chaleureusement.
« C’est dans un cadre boisé, vallonné et particulièrement agreste que s’inscrit le petit village de Menil-Favay, sillonné de ruisseaux qui arrosent les pâturages qui le bordent. La rue de la Chapelle traverse, sinueuse et pentue, toute l’agglomération et une place en occupe le sommet ». (Mardaga, 2006)
Que l’on soit menilois, touriste ou simplement de passage, la localisation géographique particulière de Menil-Favay offre des paysages typiques qui sont appréciés depuis longtemps et en toutes saisons ! Ces paysages expriment les interactions qui existent depuis des siècles entre le relief, la nature et les activités humaines. Nous avons choisi de vous présenter la diversité des paysages menilois à partir d’illustrations et de photos de quelques points de vue remarquables du village et de ses alentours.
Menil est situé entre deux grandes régions agro-géographiques bien connues de la Wallonie : la Famenne, au nord, et l’Ardenne, au sud.
Menil-Favay au milieu de la Wallonie : entre Famenne et Ardenne
Entre ces deux grandes régions, une sous-région caractéristique marque la transition avec ses replats et ses buttes calcaires : la Calestienne. Cette dernière est suivie au sud par une légère dépression au pied du massif ardennais. C’est précisément à cet endroit que s’est implanté le village de Menil-Favay.
La coupe schématique ci-dessous reprend successivement, du nord au sud, le relief ondulé du plateau condrusien, la dépression de la Famenne, la Calestienne, la dépression pré-ardennaise et le plateau ardennais. Tous visibles depuis Menil et ses environs, ces ensembles géographiques sont à l’origine de la diversité des paysages menilois.
Situation géographique du village de Menil-Favay
La Famenne est une dépression longue et étroite qui s’étend de Givet (France) à Aywaille. Le fond ne dépasse pas les 200 m d’altitude et le relief calme offre des paysages d’herbages que ponctuent quelques buttes allongées couronnées de boisements. Il s’agit par exemple des grandes prairies que l’on observe le long de la route qui relie Marche-en-Famenne à Hotton.
L’étendue de la dépression famenienne est bien visible depuis la chaussée de Marenne à la sortie de Marche. Par ailleurs, les sols argileux et peu fertiles expliquent la pauvreté de cette région sur le plan agricole.
Vue sur la dépression de la Famenne depuis la chaussée de Marenne.
À Menil, la dépression de la Famenne s’observe depuis les hauteurs de la Rue du Bois. Les buttes boisées et allongées du camp militaire sont situées en plein cœur de la dépression. Il en va de même pour les villages de Fronville et de Noiseux dont on devine les sommets du clocher de leurs églises.
Depuis ce même point de vue, on observe également à l’horizon le début du Condroz. Il s’agit de la première tige (entendez crête) du plateau ondulé condrusien. C’est cette tige qui délimite l’étendue du paysage au nord de Menil. Par temps dégagé, on y devine d’ailleurs la silhouette de l’église de Maffe et, plus à l’est, celle de l’antenne de Tohogne.
De nuit, on voit disparaître derrière la crête les éclairages routiers de la N63 et de la N4 qui relient respectivement Marche à Liège et Marche à Namur. Adossé au versant sud de la première tige du Condroz, on observe aisément le village de Somme-Leuze, mais également les constructions les plus exposées du village de Baillonville, Grande-Eneille, Petite-Somme, Septon ou encore Palenge.
Toujours depuis le point de vue du haut de la Rue du Bois, on observe à l’extrémité gauche de la ligne d’horizon la tour de télécommunication rouge et blanche de Chevetogne. À proximité de celle-ci, sur la droite, on distingue aux jumelles les éoliennes de Sovet près de Ciney. Du haut de leur 150 m (pale comprise), elles présentent une intervisibilité importante : près de 30 km à vol d’oiseau séparent Menil du parc éolien. A ce propos, le parc éolien de Pessoux (en construction) et les projets de parcs de Somme-Leuze, Havelange ou encore Marche (Gerny) auront très certainement un impact notable sur ce paysage.
Vue sur la dépression de la Famenne depuis le haut du talus ardennais
La Famenne est bordée au sud par une région que l’on appelle la Calestienne. Il s’agit d’une sorte d’étroit plateau en contre-haut bordant l’Ardenne à une altitude un peu plus élevée (250-300 mètres). Orientée SO-NE, la Calestienne est une région géologique de Wallonie caractérisée par un sol calcaire. Elle est souvent associée aux grottes telles que celles de Han-sur-Lesse, de Rochefort ou de Hotton.
La Calestienne, sous-région de Wallonie caractérisée par un sol calcaire
La bande calcaire de la Calestienne est bien présente à Menil puisqu’elle traverse toute la partie nord du village. En plus de la richesse végétale calcicole (pelouse calcaire, orchidées sauvages, etc.), elle est à l’origine de nombreuses curiosités naturelles telles que falaises, grottes, chantoirs et résurgences.
Vue sur la Calestienne depuis la stèle érigée en mémoire du 50ème anniversaire de l’offensive des Ardennes
À l’entrée du village à main gauche, en venant de Marenne, le site des Grottes de Magnî témoigne de la présence de roche calcaire. À cet endroit, les ruisseaux du Grand Pouhon et du Fond Hercot disparaissent dans le sol. Il s’agit d’une perte : un phénomène qui se produit lorsqu’un cours d’eau quitte la surface et poursuit son cheminement sous terre. En Wallonie, une perte s’appelle aussi « chantoir » (francisation du wallon « tchantwère ») en référence au bruit que fait l’eau en s’engouffrant dans le sol qui faisait dire aux habitants que celle-ci chantait.
Le ruisseau principal qui traverse le village en descendant du plateau ardennais, le ruisseau de l’Agauche, devient également souterrain moins d’un kilomètre après avoir quitté le village (en contre-bas de la carrière de l’Alouette). Une partie de l’eau refait son apparition à proximité des rochers de Maffe (le long du sentier qui mène à Hotton par la Croix Gaillard). Ce qui apparaît être une source est en réalité une résurgence.
Lors de fortes pluies, il n’est pas rare qu’une perte ne puisse pas absorber la totalité des eaux du ruisseau. Dès lors, le cours d’eau reprend son cheminement initial en surface. C’est le cas notamment du passage en contre-bas de la Croix Gaillard qui se transforme régulièrement en passage à gué.
Notons aussi qu’il existe un lien entre les pertes des environs de Marenne et de Menil (Perte du Moulin, Trou du Souci, Perte de Magnî, Perte du Ruisseau de l’Agauche, et Perte Magnette) : leurs eaux souterraines sont en grande partie canalisées vers la résurgence de la Grotte de Hotton. Bien que cette dernière soit invisible car située dans le lit de l’Ourthe, les eaux collectées sont celles que l’on retrouve dans la rivière souterraine des Grottes des Mille et une Nuit.
Bande calcaire de la Calestienne qui borde la partie nord du village de Menil
Sur les replats de la bande calcaire de la Calestienne, les sols, plus riches, y permettent de meilleures cultures. C’est le cas notamment des terres cultivées sur le plateau du Gerny entre Marche et Rochefort, des campagnes de Verdenne (entre le village et le quartier résidentiel de la Campagnette) ou de part et d’autre de la route menant à Hotton (entre le carrefour des grottes et le cimetière anglais). Toutefois, au nord de Menil, la Calestienne est affectée par des prairies comme celles visibles depuis la stèle érigée en mémoire du 50ème anniversaire de l’offensive des Ardennes.
Le sous-sol de la Calestienne fournit une pierre calcaire de bonne qualité qui est encore exploitée actuellement à la carrière de Marenne. À Menil, de la pierre calcaire, mais surtout gréseuse a été exploitée jusque dans les années 40 à la carrière de l’Alouette.
Autrefois, la carrière possédait une installation de concassage et produisait des granulats pour route ainsi que des moellons de construction, bruts ou équarris. Par la suite, la carrière a été partiellement remblayée par des immondices. Pourtant, une nature généreuse en a profité pour envahir le site.
Etant donné que la carrière est située en bordure sud de la Calestienne, dans une zone de contact entre roches calcaires et gréseuses, cette particularité a favorisé le développement d’une végétation et d’une flore remarquablement diversifiée. Deux sortes d’orchidées qualifiées de «rares» et des couleuvres à collier ont déjà été répertoriées. Aujourd’hui, le périmètre est repris comme site de grand intérêt biologique et bénéficie d’une protection particulière.
Carrière de l’Alouette, site d’intérêt biologique
Au sud de la Calestienne s’en suit une légère dépression creusée dans les schistes au pied du massif ardennais. Le village de Menil en tant que tel est implanté dans cette petite dépression : en pied de talus ardennais. Ce petit vallon est appelé aussi dépression pré-ardennaise. À cet endroit, la roche schisteuse fait progressivement place aux roches gréseuses très résistantes de l’Ardenne.
Vue sur la dépression pré-ardennaise, un vallon dans lequel est logé le village de Menil-Favay
Les premières habitations du « haut » du village se sont implantées à mi-pente du versant exposé sud de la petite dépression (sur l’adret) pour bénéficier d’un meilleur ensoleillement et être à l’abri des vents dominants (vents d’ouest et nord-ouest), c’est-à-dire sous la crête qui démarque la limite entre la Calestienne et la dépression pré-ardennaise.
Vue sur les premières habitations du village implantées sur le versant adret du vallon, à l’abri des vents dominants
Les habitations du « bas » du village (la Chena) situées sur le versant ubac du vallon se sont implantées par la suite. Elles sont adossées au talus ardennais. Ce dernier présente une forte pente et relie le village (270 m d’altitude sur la place) au bois de Grimbièmont (400 m d’altitude environ). Il marque le début du plateau ardennais.
Le plateau ardennais est caractérisé par une altitude relativement élevée (400 à 550 m) et par un relief peu accentué, hormis lorsque les cours d’eau entament fortement ses bordures en y creusant des vallées parfois profondes. À Menil, le plateau ardennais est planté de forêts qui délimitent l’étendue du paysage au sud du village.
Habitations de la Chena adossées au talus ardennais. Le bois de Grimbiémont visible à l’horizon marque le début de l’Ardenne
La carte de Ferraris (établie entre 1770 et 1778) témoigne des premières habitations construites sur le versant adret du vallon. On remarque également sur cette cartographie que les alentours du village apparaissent beaucoup moins boisés qu’aujourd’hui.
À cette époque, les espaces situés autour du noyau villageois étaient utilisés bien différemment : une série d’auréoles concentriques se succédaient où l’on retrouvait jardins et vergers, terres de labours, taillis exploités pour le bois de feu et où se pratiquait la culture sur brûlis et, finalement, la couronne extérieure de forêt feuillue.
Carte de Ferraris (1770-1778) témoignant des premières habitations du village
Le sol schisteux de la dépression pré-ardennaise permet surtout l’élevage sur des zones herbagères et des prairies, ce qui explique l’origine agricole du village. Cependant, l’habitat de Menil-Favay ne remonte guère au-delà du milieu du 19e siècle. Il est donc relativement tardif comparé à d’autres villes et villages de Wallonie.
Aujourd’hui, le village s’est progressivement transformé en zone résidentielle par la désaffectation des fermettes, transformées en habitations, voire en gîtes ruraux. Malgré la désaffectation de la plupart des exploitations agricoles, la structure originelle du village est restée relativement bien lisible.
Village-rue caractéristique, l’habitat de Menil-Favay s’étire de part et d’autre de la rue principale qui se brise deux fois à angle droit. Les bâtiments sont disséminés tout au long de la voirie, ponctuée de quatre bornes-fontaines rénovées.
Village-rue caractéristique, l’habitat de Menil-Favay s’étire de part et d’autre de la rue principale qui se brise deux fois à angle droit.
Les paysages menilois n’ont cependant pas été épargnés par certaines constructions abusives d’après-guerre. À cet égard, plusieurs secondes résidences construites dans les années 70 à l’écart du noyau villageois ont un impact fort dans le paysage de par leurs formes, leurs matériaux et leurs coloris en nette rupture avec l’habitat traditionnel. Leur impact visuel est parfois dommageable lorsque les constructions sont fortement exposées, notamment sur le sommet des collines.
Habitat résidentiel secondaire implanté sur la crête, en rupture avec la trame traditionnelle du village
Malgré certaines évolutions récentes marquantes du paysage, l’ensemble du patrimoine architectural menilois est toutefois resté assez cohérent. Le cœur du village est toujours centré sur la place, lieu d’échange et de rencontre privilégié.
À cet endroit, les habitations sont mitoyennes, tandis qu’elles s’espacent à ses deux entrées. Elles sont souvent bordées d’un devant-de-porte (appelé aussi usoir) et complétées par un jardin à l’arrière.
L’habitat du village se compose la plupart du temps d’anciennes fermettes en long du milieu du 19e siècle, certaines plus récentes. En outre, une ancienne école, une chapelle et quelques habitations particulières complètent le profil général de la localité.
Le cœur du village de Menil-Favay centré sur la place
Autrefois, tuile et asbeste-ciment (« Éternites ») constituaient, avec la tôle ondulée, les matériaux de couverture les plus fréquents. En ce qui concerne les murs, les moellons de calcaire ou de grès puis la brique ont progressivement remplacé le colombage.
Plusieurs constructions du village conservent partiellement des murs en colombage, même si le torchis a depuis longtemps été remplacé par la brique. La plupart du temps, il s’agit de murs-pignons, comme celui encore présent jusqu’il y a peu sur un coin de la place du village.
Ancien mur-pignon en colombage sur la place du village
De part et d’autre de la rue principale, plusieurs constructions en colombage sont encore visibles bien qu’elles soient à l’état de vestiges. C’est le cas notamment de l’habitation et de sa dépendance (remise) située en face du n°10 de la Rue de la Chapelle, ou encore de celle située au n°34 de la Rue du Centre.
Datant de la première moitié du 19e siècle, cette dernière apparaît être comme une des constructions les plus anciennes encore sur pied au sein du village. Toutes deux sont reprises à l’inventaire du patrimoine architectural de Wallonie au même titre qu’une vingtaine d’autres bâtiments et monuments du village.
Anciennes habitations et dépendances du 19e siècle
Finalement, les paysages de Menil-Favay sont les témoins d’un héritage culturel séculaire qui évolue au quotidien. La qualité de vie qu’ils offrent fait le charme de notre localité. Veillons à ce que ces atouts restent au centre de nos préoccupations !
Sébastien Dujardin, juillet 2012
Atlas du paysage de la CPDT : https://cpdt.wallonie.be/toutes-les-publications-de-la-cpdt/atlas-des-paysages-de-wallonie et http://cpdt.wallonie.be/fr/etudes-documents
Carte de Ferraris en ligne : https://www.kbr.be/fr/la-carte-de-ferraris/
Cartes de Vandermaelen en ligne : http://geoportail.wallonie.be/catalogue/67ed5145-72be-499b-8a95-c94711f344f1.html
Le rocher de Menil-Favay: http://allezlesverts.blogs.lalibre.be/archive/2010/01/27/le-rocher-de-menil-favay.html
Mardaga (2006) Patrimoine architectural de Wallonie : Hotton, Marche-en-Famenne et Nassogne. Namur: MRW – DGALTP. http://books.google.be/books?id=F7ZLP9rnNd4C&lpg=PA5&ots=Deh8e4D2Xl&dq=mardaga%20marche%20hotton&lr&hl=nl&pg=PA12#v=onepage&q=mardaga%20marche%20hotton&f=false